jeudi 29 septembre 2011

Dans l’enfer des mines de Potosi


L'entrée de la mine
Nous aurions voulu trouver un titre un peu plus accrocheur ou original mais rien ne nous ai venu à l’esprit. Potosi est tristement connu du monde entier pour ses mines d’argent. Nous avons longuement hésité avant de décider d’aller les visiter. Au départ, nous nous sommes dits que c’est comme si nous allions voir des animaux dans un zoo sauf que se sont des êtres humains qui travaillent dur et dans des conditions de misère. Finalement, pas du tout. Si les mineurs ne profitent pas du tourisme en revanche c’est tout une économie qui tourne autour des visites de ces mines et sans nous Potosi serait sans doute une ville encore plus pauvre.


Les mineurs poussent le chariot
Contrairement aux idées reçues, les mines de Potosi sont aujourd’hui encore rentables. Plus de 16 000 mineurs répartis en 32 coopératives y descendent chaque jour pour extraire le précieux minerai. Le pire c’est que pour rien au monde ces hommes ne feraient un autre métier malgré le sacrifice que cela engendre car être mineur cela paie bien : le double d’un avocat ou d’un commerçant » et c’est « être un vrai homme ». Pour tout vous avouer, ces hommes de l’ombre ont même déjà fait grève pour continuer à travailler lorsque le gouvernement voulait fermer leur montagne à cause des dangers et de l’insécurité. Et oui c’est le monde à l’envers.
Nous nous glissons dans des trous de souris
Pourtant, les mines de Potosi représentent l’enfer. Depuis le 17ème siècle des milliers de galeries ont été creusés à main d’hommes et dans des conditions épouvantables. Lorsque vous pénétrez dans ces boyaux munis d’une simple lampe torche, vous vous sentez tout de suite dans un autre monde, un univers où la mort peut frapper à tout instant. Si à l’entrée de la mine, il fait assez froid à cause du vent, plus vous avancez et plus la chaleur et l’humidité vous oppresse. Après 2 km de marches, il y règne près de 45°.  La poussière et divers autres produits flottent dans l’air rendant l’atmosphère oppressante. Malgré nos masques, nous avons des difficultés à respirer (l’altitude à plus de 4 000m n’y est pas non plus étranger) et parfois nos poumons nous brûlent un peu. Nous marchons également dans des flaques d’eau boueuse qui à notre avis ne doivent pas être très saines.
Nous évoluons doucement, marchant sur les rails des chariots, souvent courbés en deux pour éviter les roches, les tuyaux qui servent à amener de l’air et des poutres en bois. Des poutres en bois qui semblent être là depuis une éternité. Nous nous demandons comment ces galeries arrivent encore à rester debout. Lorsque nous posons la question des accidents et des éboulements à notre guide, la réponse reste évasive comme s’il s’agissait d’un sujet tabou. En fait il vaut mieux peut-être ne pas savoir sous peine de faire demi-tour immédiatement.
Les outils utilisés
Après plusieurs centaines de mètres dans le noir, un bruit sourd se fait entendre et on nous crie de nous mettre contre la paroi. Très vite les premiers mineurs apparaissent poussant un énorme chariot de roches d’argent. 4 hommes âgés de 14 à 29 ans tirent, poussent un wagon de plus de 1 tonne sur près de 2 km. Nous apprenons que le plus jeune descend dans la mine depuis déjà 3 ans. Sur leurs visages se lit la fatigue et le poids des années trop vite acquis. Toutefois, ces mineurs plaisantent de bon cœur avec nous et ont le sourire. Quant on leur demande (par l’intermédiaire de la guide car nous ne parlons pas Quechua) s’ils aiment faire ce boulot, ils nous répondent qu’ils ne veulent pas changer malgré les risques et les sacrifices car ils peuvent nourrir et gagner décemment leur vie.
Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Un peu plus loin, un autre groupe taille la pierre avec de simples pioches pour extraire l’argent. Ils sont dans un trou de plus de 50m et y travaillent depuis 8h. Ici les machines électriques sont quasi inexistantes et pour dégager des filons, on utilise encore la dynamite. C’est justement ce que vienne de faire une autre équipe assise un peu plus loin dans un boyau courant sur plus de 100m de profondeur. Ils attendent que la poussière retombe pour pouvoir continuer à travailler. Et en attendant, on discute en mâchant la feuille de coca (la drogue du mineur). Elle sert à endormir la faim, la soif et à rester éveiller.
Les mineurs se reposent
Nous les laissons à leur repos de fortune pour ramper (c’est vraiment le mot) dans une autre galerie et rejoindre la plus veille de la mine. C’est là que nous attend le dieu Tio, le dieu des mineurs. Inventé par les espagnols pour obliger les boliviens à descendre dans les mines, il est devenu aujourd’hui une divinité sacrée à laquelle croit les mineurs dur comme fer. Né de la terre et du ciel, il représente l’enfer. L’enfer c’est le cas de le dire lorsque nous voyons les conditions dans lesquelles travaillent ces milliers d’hommes. Et pour apaiser cet enfer, les hommes apportent tous es vendredis et parfois tous les jours des offrandes sous forme de coca, de tabac et d’alcool à Tio (de l’alcool pur à 96 degré, véridique). Des offrandes qu’ils vont partager avec lui. Il pense qu’ainsi leur famille et eux-mêmes seront protégés du malheur et qu’ils vont récolter plus d’argent.
L'or d'argent
Peut-être que ce dieu est finalement la seule façon que les mineurs ont trouvé pour supporter les conditions de travail, la chaleur, l’humidité, la poussière, les substances toxiques, les maladies respiratoires… que ce métier engendre. Il est triste de voir que pour gagner 400 € par mois (salaire moyen habituel 200 €), ces hommes sont prêts à tout sacrifier et pire que ce métier se transmet naturellement de père en fils. Comme si ils ne voyaient aucune autre issue pour gagner autant ou peut-être est-ce la fierté d’être mineur.
Nous avons passé deux heures sous terre, à affronter cet enfer tandis qu’eux passent parfois plus de 40 ans 8h par jour. Une chose est certaine : Les mines de Potosi existeront encore longtemps et la montagne continuera à sacrifier des millions d’hommes pour permettre à nous européens (entre autre) de nous acheter de jolis bijoux ou objets en argent.
Sophie et Julien

Photos 



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